Jallikattu se déroule à Madhu Pongal le troisième jour de Pongal. Cette fête emblématique du Tamil Nadu honore les éléments et les bovins, qui jouent tous deux un rôle essentiel dans l’agriculture locale.
Traditionnellement, une poche jaune pleine de pièces de monnaie était attachée aux cornes des taureaux. D’où le nom de Jallikattu qui se compose de deux mots : Jalli aussi connu comme «salli» ou «kasu» se traduit par des pièces de monnaie. Et Kattu signifie un paquet ou une poche.
Sommaire
Histoire de Jallikattu
Jallikattu est une pratique traditionnelle qui date de 400-100 av. JC. Les historiens indiquent des poèmes classiques de la période de Sangam (VIè s. av.JC – IIIè s.) qui évoquent cet événement, et illustrent le lien émotionnel entre l’homme et l’animal, par le terme notamment “Eruthazhuvuthal“, qui signifie «étreindre le taureau».
À l’origine, ce sport étaient l’occasion pour les familles de trouver un mari fort pour leur fille. Cette dernière était en effet promise à celui qui réussissait à apprivoiser le taureau. Dans l’ancien pays tamoul, cette pratique était très répandue, même les personnalités politiques s’y adonnaient.
Au fil du temps, Jallikattu a évolué pour devenir un “véritable” sport. Les hommes le pratiquent depuis, pour afficher leur force et gagner des récompenses. Quant aux hommes politiques, ils participent aujourd’hui indirectement, à l’instar du Chief Minister du Tamil Nadu, MK Stalin qui finance en 2022, la récompense (une voiture) du vainqueur du plus grand Jallikattu près de Madurai.
Qu’est-ce que l’événement Jallikattu bull-taming?
Le sport consiste à laisser un taureau bien costaud, libre dans une arène. Des groupes d’hommes pénètrent dans l’enceinte avec pour objectif d’apprivoiser le taureau à mains nues. Pour ce faire, les participants adoptent des techniques différentes, saisissant le taureau par la queue ou par les cornes. D’autres s’agrippent à sa bosse dans l’espoir de stopper l’animal. Parfois, des rubans jaunes qui rappellent les poches de monnaie, sont attachées aux cornes de l’animal et les participants doivent alors les attraper.
Les taureaux sont préparés physiquement pour ces événements par des agriculteurs. Ces derniers les font nager pour renforcer leur force musculaire dans les jambes, et les nourrissent avec attention, pour les rendre plus forts et en bonne santé.
Parfois comparé à la tauromachie européenne, Jallikattu se différencie cependant par le fait que les participants jouent à mains nues et que l’animal n’est pas tué à la fin.
Où se déroule Jallikattu?
Madurai est le district le plus connu pour ses Jallikattu. Le premier se déroule à Palamedu avec quelques 700 taureaux et 300 joueurs qui vont tenter de dompter les animaux.
Le plus célèbre des Jallikattu a lieu à Alanganallur, au nord de Madurai. Des milliers de spectateurs viennent y assister chaque année, parmi lesquels des centaines de touristes, pour lesquels, pour des raisons de sécurité, il est recommandé de réserver une place dans les tribunes. En effet, les accidents sont récurrents, et chaque année porte son lot de blessés, voire d’accidents mortels.
Des Jallikattu se déroulent également :
– à Avaniapuram, à Madurai
– à Pallavarayanpatti près de Cumbum
– à Tiruvapur près de Pudukottai
– à Thammampatti, à Salem
– à Kandupatti près de Sivagangai
– à Siravayal près de Karaikudi
– à Venthanpatti près de Pudukottai
Controverse autour de Jallikattu
L’événement est soutenu et promu par la majorité des Tamouls, y compris le gouvernement de l’Etat, ainsi que des acteurs célèbres comme Kamal Haasan. Jallikattu représente une véritable “fierté nationale”. Cependant, depuis 2004, l’association PETA India (People for the Ethical Treatment of Animals) alerte sur les blessures causées à l’animal lors de ces évènements, ainsi que sur la nature inhumaine des traitements que les propriétaires infligeraient à leurs taureaux pour les rendre plus violents. Jallikattu a également causé diverses blessures aux participants et parfois même leur en a coûté la vie. Ainsi, en 2014, faisant suite aux requêtes des associations Animal Welfare Board of India (AWBI) et Peta India, la Cour Suprême de l’Inde interdit le festival. Mais face à la colère et à la détermination populaires, qui s’expriment à travers des milliers de manifestants, l’interdiction de Jallikattu est systématiquement levée.
Un combat difficile pour les associations, puisque le Chief Minister M K Stalin (DMK) annonçait en avril 2022, dans une série d’annonces faites pour l’amélioration des infrastructures sportives, la construction d’une immense arène à Alanganallur, qui permettra d’accueillir spectateurs et participants dans les meilleures conditions.
Jallikattu, reflet d’une société discriminante ?
Le système des castes en Inde crée encore aujourd’hui des inégalités et des tensions, voire des violences intolérables, dont le Tamil Nadu n’est pas exempt. Chaque année, divers évènements rappellent le rude sort réservé aux Dalits, appartenant à cette “caste hors-caste”, qu’on appelaient autrefois les Intouchables.
Près d’Alanganallur, en 2017, les habitants d’un village dalit se plaignaient de violentes intimidations de la part des plus hautes castes, les Kallar pour les dissuader de participer à Jallikattu. Certains auraient été brutalement agressés après avoir oser tenter de dompter le taureau dans l’arène, tandis que des actes de vandalisme auraient été commis dans le village. Pourtant, les Dalits semblent s’auto-censurer en ne participant plus au “bull-taming” depuis une trentaine d’années. Mais dès qu’une bagarre éclate entre les Dalits et une caste supérieure, c’est tout le village qui peut subir des représailles…
En 2020, un groupe de dalits boycottaient le Jallikattu de Palamedu pour protester contre leur exclusion du comité d’organisation de l’évènement.
Ainsi, Jallikattu est décrié non seulement pour des raisons éthiques de défense de la cause animale, mais également parce qu’il représente un symbole du patriarcat et de la domination masculine, autant que celui d’une société dominée par les castes.
Culture et traditions vs évolution nécessaire de la société indienne. Chacun a son avis plus ou moins tranché, mais la majorité des tamouls demeure clairement attachée à cette fête traditionnelle antique de Pongal et de son Jallikattu.